L’IA change-t-elle notre rapport au métier de développeur Craft ?
Quand l’IA rencontre le Software Craftsmanship
L’intelligence artificielle n’est plus un sujet de laboratoire. Elle s’immisce dans le quotidien des équipes tech, des lignes de code aux décisions stratégiques. Pour les développeurs craft, engagés dans une démarche de qualité, de pérennité et de responsabilité, la question devient centrale : comment intégrer l’IA sans trahir les principes du Software Craftsmanship ?
Aujourd’hui, des outils comme GitHub Copilot, Cursor, ou Tabnine génèrent déjà du code. Mais peuvent-ils respecter les valeurs craft, faites de lisibilité, de simplicité et d’amélioration continue ?
L’IA comme outil de productivité : un gain mesurable
Les premiers bénéfices de l’IA sont tangibles. GitHub a publié en 2023 une étude montrant que les développeurs équipés de Copilot terminent certaines tâches de codage 55 % plus vite qu’à la main. Pour un CTO, cet écart de productivité est loin d’être anodin.
Le développeur craft n’est pas remplacé : il est augmenté. Là où autrefois il fallait deux heures pour écrire un connecteur API, l’IA peut fournir une première ébauche en quelques secondes. Le rôle du développeur devient alors celui d’un relecteur exigeant, garant de la qualité et du respect des principes du Clean Code.
Cependant, si l’IA réduit le “time-to-first-code”, elle ne garantit pas la qualité finale. Les suggestions sont parfois non testées, redondantes ou incohérentes. C’est ici que l’expertise craft reste irremplaçable.
Code généré par l’IA : menace ou opportunité pour la qualité ?
Un des piliers du Software Craftsmanship est la lisibilité. Or, les algorithmes de génération de code ne prennent pas en compte le contexte métier ni les pratiques d’équipe. Les noms de variables peuvent être obscurs, les patterns choisis discutables.
Un exemple concret : un modèle d’IA peut générer un bloc fonctionnel en Python, mais ignorer les conventions PEP8. Pour un développeur craft, cela implique du refactoring immédiat.
Autre risque : la dette technique invisible. Une équipe qui accepte sans recul le code IA se retrouve avec un socle difficile à maintenir, car la logique n’a pas été discutée ni challengée. Cloudsmith 2025 Artifact Management Report indique que 42 % des développeurs déclarent devoir réécrire fréquemment le code généré par IA.
Pour transformer ce risque en opportunité, la posture craft est essentielle : chaque suggestion doit être évaluée selon les standards de lisibilité, testabilité et évolutivité.
Vers un nouveau rôle du développeur craft
1. Le rôle de curateur
L’IA génère du code, mais elle ne distingue pas toujours entre une solution élégante et un bricolage rapide. Le développeur craft devient alors curateur de qualité : il trie, sélectionne, corrige et parfois réécrit complètement les suggestions.
Prenons un exemple concret : Copilot peut proposer une fonction en JavaScript qui résout le problème fonctionnel, mais qui ignore le principe de séparation des responsabilités (SRP). Le craft doit intervenir pour restructurer le code, ajouter des tests, et garantir que la solution respecte les standards de l’équipe. Ce rôle demande un œil critique permanent et transforme l’IA en assistant productif plutôt qu’en générateur incontrôlé.
2. Le rôle de garant métier
L’IA n’a aucune compréhension du contexte métier. Elle optimise pour le code, pas pour la stratégie produit. Le développeur crafts devient l’interface entre vision business et implémentation technique.
Par exemple, un algorithme de pricing peut être généré par IA, mais il ne saura pas intégrer les règles spécifiques à l’entreprise, ni anticiper les impacts légaux (RGPD, conformité sectorielle). Le craft est responsable de traduire les besoins stratégiques en contraintes techniques et de vérifier que l’IA respecte ces règles. C’est ce qui permet à une DSI d’aligner innovation et fiabilité.
3. Le rôle de coach
Avec l’IA, les juniors peuvent coder plus vite, mais sans forcément comprendre ce qu’ils produisent. Le développeur crafts doit assumer un rôle de coach et formateur, en expliquant quand utiliser l’IA, comment valider ses suggestions, et surtout pourquoi certaines pratiques doivent être respectées.
Un cas concret : un junior peut demander à ChatGPT de générer une API REST. L’IA livrera du code fonctionnel, mais peut oublier des aspects critiques comme l’authentification sécurisée ou la gestion des erreurs. Le craft doit alors accompagner pour transformer cette génération brute en apprentissage pédagogique.
La montée du “prompt engineering”
Cette évolution converge avec l’essor du prompt engineering. Les meilleurs développeurs craft savent déjà rédiger des prompts détaillés, intégrant contraintes de design, patterns d’architecture (DDD, CQRS, hexagonal), exigences de performance et règles de sécurité.
Un bon prompt ne se limite pas à “écris-moi une fonction en Python”, mais à quelque chose de précis :
“Écris un service en Python respectant le pattern Repository, avec des tests unitaires, compatible avec FastAPI, et conforme aux règles de validation de notre domaine métier.”
C’est ici que la vraie expertise craft se manifeste : non pas dans la génération brute, mais dans la capacité à piloter l’IA avec des contraintes fortes et éclairées.
L’IA et le Numérique Responsable : un défi éthique
Chez GoMind, nous défendons un numérique responsable. Or, l’usage massif de modèles IA soulève une question cruciale : le coût énergétique. Former un modèle comme GPT-3 a nécessité l’équivalent de plusieurs centaines de tonnes de CO₂.
Un développeur crafts doit intégrer cette dimension. Générer du code en boucle sans contrôle n’est pas neutre. Le crafts numérique responsable consiste à :
- Limiter les appels superflus aux API IA.
- Optimiser les prompts pour réduire la charge.
- Conserver l’expertise humaine pour éviter une dépendance technologique énergivore.
Ce sujet est stratégique pour les DSI et CTO qui cherchent à allier innovation et responsabilité sociétale.
Cas d’usage concrets de l’IA au service du Craft
Loin de remplacer le craft, l’IA peut renforcer ses pratiques. Voici quelques cas d’usage réels observés dans les équipes :
Génération de tests unitaires et TDD accéléré
L’IA peut générer des squelettes de tests unitaires à partir du code. Le développeur craft affine ensuite les assertions, en validant la couverture fonctionnelle et la pertinence métier. Cela permet d’ancrer encore plus facilement le Test Driven Development (TDD).
Refactoring et détection de duplications
Grâce à l’analyse statistique, l’IA repère rapidement des duplications ou des patterns redondants. Elle propose ensuite des simplifications, par exemple en factorisant des blocs de code ou en appliquant des règles de clean architecture. Le craft reste garant de la cohérence et des choix d’implémentation.
Documentation vivante
Transformer du code en explications fonctionnelles est l’un des usages les plus puissants. L’IA peut générer une documentation claire pour les non-développeurs (DSI, product managers), facilitant le dialogue entre tech et métier. Cela renforce le rôle de passeur du développeur craft.
Code review augmentée
L’IA peut repérer des erreurs de logique, des vulnérabilités de sécurité ou des mauvaises pratiques (comme une mauvaise gestion des exceptions). Elle signale, mais le craft tranche et contextualise. L’objectif n’est pas de remplacer la review humaine, mais de la rendre plus rapide et exhaustive.
Suggestion de patterns d’architecture
Dans un projet complexe, l’IA peut proposer l’application de patterns éprouvés comme CQRS ou Event Sourcing. Le craft doit alors valider leur pertinence et les adapter au contexte produit. C’est une aide précieuse pour éviter les “anti-patterns” liés à la dette technique.
Génération de scripts DevOps et automatisation
Un autre terrain d’application est la génération de scripts CI/CD, d’infrastructures as code (Terraform, Ansible) ou de pipelines de tests. L’IA fournit la base, mais le craft s’assure que la sécurité, l’évolutivité et la maintenabilité sont respectées.
Aide au debugging complexe
Face à un bug difficile à reproduire, l’IA peut analyser des logs massifs et suggérer des pistes de résolution. Cela permet de gagner du temps dans le diagnostic, sans remplacer l’analyse experte du craft.
Veille et apprentissage continu
Enfin, l’IA peut servir de moteur de recherche contextuel pour identifier les meilleures pratiques dans une base de code, ou pour proposer des extraits issus de communautés open source. Cela alimente la démarche d’amélioration continue chère au Software Craftsmanship.
Un craft augmenté, pas remplacé
L’IA transforme le quotidien du développeur craft. Elle accélère l’écriture, automatise certaines tâches répétitives et ouvre de nouvelles perspectives de collaboration homme-machine. Mais elle n’annule pas les fondamentaux : la lisibilité, la maintenabilité, l’éthique et le respect des valeurs du Software Craftsmanship.
Pour les équipes expertes, la vraie valeur ajoutée réside dans la capacité à encadrer l’IA, à définir ses limites et à intégrer ses suggestions dans une démarche de qualité durable.
Le futur du craft n’est pas un développeur remplacé, mais un développeur augmenté, qui combine le meilleur des deux mondes : l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine.